« Aujourd’hui, nous sommes tous égaux et unis pour défendre l’Ukraine. Le reste, on en reparlera après la guerre » : à Kiev, les artistes entrent en résistance

Vêtu d’une tunique de combat noire, Andriy Khlyvnyuk pose son fusil d’assaut et aide des camarades à transporter des cartons vers un souterrain. Une fourgonnette vient d’apporter des dons pour l’armée et une dizaine de volontaires s’empressent de les descendre dans un abri. Rencontré au hasard d’une visite dans un poste militaire comme il en existe désormais partout dans Kiev, le combattant à la casquette de base-ball siglée « NY » (New York) passe inaperçu. Ce n’est qu’au dernier voyage que deux passantes, ce matin-là, dans la ville déserte, l’interpellent et lui réclament de poser ensemble pour une photo. Andriy sourit, confie son carton à son copain Miro et leur accorde volontiers ce plaisir fugace.

Andriy Khlyvnyuk nous glisse alors, en rigolant, que « dans la vraie vie », en temps de paix, il est « une putain de rock star ». BoomBox, de son nom de scène, est immensément populaire auprès des jeunes adeptes de pop et de hip-hop. En ce mois de mars, cet artiste aux neuf albums devait d’ailleurs être en tournée aux Etats-Unis et au Canada. Son agent avait déjà acheté un billet pour San Francisco, sa première étape. Au lieu de cela, il a mis ses enfants à l’abri, hors de Kiev, dès le premier jour de la guerre, le 24 février, avant de revenir le lendemain s’engager dans la défense de la capitale. La fondation d’anciens combattants Come Back Alive (« revenez vivants »), qu’il sert en tant que volontaire depuis l’attaque russe de l’Ukraine en 2014, l’a fait intégrer une unité de combat de la police.

Comme le cinéaste Oleg Sentsov, ancien prisonnier politique en Russie et Prix Sakharov 2018, le racontait lorsque Le Monde l’a retrouvé posté à un checkpoint dans les faubourgs de Kiev, après deux semaines de guerre, « les projets appartiennent au passé. En deux semaines, nos vies ont changé, tout a changé ». Plus de projets de films pour lui, ni d’albums pour BoomBox. Le chanteur se moque de San Francisco, la « putain de rock star » s’est effacée devant Andriy, citoyen ordinaire et combattant volontaire. « Tout ce qu’on faisait, tout ce qu’on pensait avant le 24 février n’a plus aucune valeur, dit-il. Aujourd’hui, nous sommes tous égaux et unis pour défendre l’Ukraine. C’est une question de survie. Le reste, on en reparlera après la guerre… » Dans la cave du poste militaire, avec Miro, un Ukraino-Américain vétéran de la guerre d’Afghanistan dans les rangs de l’armée américaine, et désormais, en temps de paix, étudiant en comédie à New York, ils écoutent les Rolling Stones.

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