« Ce qui lie Pékin et Moscou, c’est leur priorité stratégique commune : affaiblir un ordre international qu’ils estiment dominé par les Etats-Unis »

Chronique. Retour à un univers bipolaire ? La guerre entre la Russie et l’Ukraine conforterait une division du monde en deux camps. Le « collectif occidental », comme on dit à Moscou, s’oppose au duo Vladimir Poutine – Xi Jinping, chefs de file de la famille des autocrates. Avec, au milieu, le club des puissances émergentes qui se refusent à choisir mais, en l’espèce, pencheraient plutôt du côté de Moscou et Pékin.

Il n’est pas sûr que cette géographie des rapports de force sur la planète survive en l’état à la fin de la guerre russo-ukrainienne. Mais, pour le moment, telle est bien la carte géopolitique de ce qu’on appelle « la nouvelle guerre froide » : d’un côté, les alliés atlantiques, Américains et Européens, et, de l’autre, la Russie de Poutine politiquement appuyée par la Chine de Xi. L’agression contre l’Ukraine soude le camp occidental, celui des démocraties libérales, et elle n’ébranle en rien l’amitié sino-russe, socle du groupe des autocraties.

Les deux camps sont tout proches de l’affrontement sur le théâtre européen – plus qu’ils ne l’ont jamais été durant la première guerre froide, ces années de confrontation entre l’URSS et les Etats-Unis. Une bavure, une erreur de tir ou une provocation dans les jours qui viennent, et le conflit entraîne l’OTAN – dont l’Ukraine n’est pas membre – directement dans les combats. Entre Moscou et Washington, la rupture des relations diplomatiques n’est pas loin. En février encore, la hiérarchie militaire russe gardait le contact avec le Pentagone : cela permet d’éviter le pire. Signe inquiétant : depuis quelques jours, le ministre russe de la défense, Sergueï Choïgou, et le chef d’état-major, Valéri Guerassimov, ne prendraient plus leurs homologues américains au téléphone.

Peu importe que le propos soit fondé ou non, mais en qualifiant Poutine de « boucher » et de « criminel de guerre », avant de l’exhorter à quitter le pouvoir, Joe Biden a encore accentué la rupture américano-russe. La « nouvelle guerre froide » est aussi dans les mots – même si la fin des combats en Ukraine devra, d’une façon ou d’une autre, passer par un accord entre le Kremlin et la Maison Blanche. Biden conforte tous ceux qui défendent la thèse d’une irréductible hostilité américaine à l’adresse de la Russie. Il a divisé le camp occidental, jusqu’alors uni comme rarement, en amenant l’Allemagne et la France à prendre leurs distances avec un propos qui fleure bon l’époque ou l’Amérique appelait, ici et là, à des « changements de régime ».

Cependant, l’amitié « sans limites » liant les présidents russe et chinois ne se dément pas. La Chine de Xi s’abstient de condamner la guerre de Poutine. Sans un seul couac, la machine de propagande pékinoise reprend l’ensemble de la désinformation concoctée au Kremlin pour justifier l’agression contre l’Ukraine. Xi n’a jamais parlé à Volodymyr Zelensky. La Chine a choisi son camp.

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