Bonjour Anh,
Pour répondre à votre question, un petit bond dans le passé s’impose.
En réponse à l’annexion de la Crimée, en 2014, l’Union européenne (UE) et les Etats-Unis ont adopté une salve de sanctions à l’égard de Moscou. Les actifs détenus par des personnalités russes ont été gelés, des compagnies pétrolières et des banques russes se sont également vu couper l’accès aux financements occidentaux. En outre, les exportations d’armes et de technologie à usage militaire vers la Russie sont interdites.
Face à ces sanctions, Moscou a opéré deux transformations : la première, c’est une « russification de son économie », c’est-à-dire un recours accru aux ressources domestiques. La seconde, c’est une nouvelle politique économique étrangère, cherchant à élargir les relations avec les nations non occidentales – dont la Chine.
Cela vaut pour toute son économie, y compris sa production d’armes. Après les sanctions de 2014, une entreprise chinoise a ainsi remplacé la firme allemande MTU pour fournir à la marine russe les moteurs diesel qui équipent les patrouilleurs de classe Grachonok. La Russie est donc relativement déjà prête à assumer le remplacement de ses armes classiques.
Cela dit, le régime de sanctions de l’UE décidé en 2014 permettait quelques écarts, notamment concernant l’exportation vers la Russie de biens à double usage, définis par Bercy comme des « biens et les équipements – y compris les technologies, logiciels, le savoir-faire immatériel ou intangible – susceptibles d’avoir une utilisation tant civile que militaire ou pouvant, entièrement ou en partie, contribuer au développement, à la production, au maniement, au fonctionnement, à l’entretien, au stockage, à la détection, à l’identification, à la dissémination d’armes de destruction massive ».
En 2020, l’Allemagne exportait ainsi 366 millions d’euros de biens à double usage à la Russie, son quatrième client. En théorie, les licences d’exportation étaient délivrées parce que les utilisateurs finaux étaient civils, mais on retrouve ces produits dans des systèmes militaires, comme les drones Orlan-10, utilisés par l’armée russe pour des opérations de reconnaissance dans le Donbass, en appui à son artillerie.
Désormais, les nouvelles sanctions décidées par l’UE éliminent toute distinction entre utilisateurs civils et militaires pour ne plus retenir comme critère que la nature du bien transféré. La Russie ne pourra donc pas remplacer à court terme ces systèmes de guidage de drones.

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