« L’enjeu est d’augmenter la production agricole en Afrique »

Dans une boulangerie sur un marché du Caire, le 17 mars 2022. La flambée des prix du pain, déclenchée par l’invasion de l’Ukraine par la Russie, affecte le pouvoir d’achat des consommateurs en Egypte, principal importateur de blé des anciens Etats soviétiques. Dans une boulangerie sur un marché du Caire, le 17 mars 2022. La flambée des prix du pain, déclenchée par l’invasion de l’Ukraine par la Russie, affecte le pouvoir d’achat des consommateurs en Egypte, principal importateur de blé des anciens Etats soviétiques.

Kako Nubukpo est commissaire à l’agriculture, aux ressources en eau et à l’environnement de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa), qui rassemble le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Mali, le Niger, le Sénégal, le Togo et la Guinée-Bissau. Economiste togolais connu pour ses prises de position contre le franc CFA, il réagit au plan du président français, Emmanuel Macron, visant à mobiliser les stocks mondiaux de céréales pour « garantir un accès de tous, en particulier des plus vulnérables, en quantité suffisante et à prix raisonnables », dans la perspective de l’insécurité alimentaire mondiale générée par l’invasion russe de l’Ukraine.

Le 24 mars, le chef de l’Etat français annonçait, en concertation avec l’Union africaine, le lancement de l’initiative Food on Agriculture Resilience Mission (FARM), dont l’un des objectifs est de soutenir les pays africains dépendants des importations russes et ukrainiennes. Y a-t-il urgence ?

Pour la première fois depuis trente ans, nos pays vont subir un double choc : celui de l’offre interne et celui de l’offre externe. En Afrique de l’Ouest, aucun pays ne produit d’engrais – excepté le Nigeria, qui préfère l’exporter vers le Brésil. Or, le coût de ces intrants a connu une hausse considérable : de 80 % pour les engrais phosphorés et de 100 % pour la potasse, entre juin 2020 et mars 2022. Les paysans n’ont pas les moyens de s’en procurer à des prix aussi élevés. Et la plupart des Etats ne disposent pas des marges budgétaires suffisantes pour augmenter leurs subventions. Les conséquences sur le volume de la production locale risquent donc d’être importantes.

A cela viennent s’ajouter les effets de la dépendance aux céréales russes et ukrainiennes, avec de nouvelles hausses des prix sur des denrées de première nécessité en milieu urbain. L’inquiétude est généralisée, mais elle ne date pas de la guerre en Ukraine, qui ne fait qu’amplifier les difficultés. La pandémie de Covid-19 a déjà déstructuré les circuits d’approvisionnement et provoqué une forte inflation. Début décembre 2021, le Bénin a sollicité une réunion en urgence des ministres de l’agriculture et du commerce de la région, pour essayer de trouver des solutions.

Les solutions mises sur la table vous paraissent-elles satisfaisantes ?

L’appel à la solidarité internationale est bienvenu s’il permet d’amortir les chocs, en aidant les pays à subventionner les produits de première nécessité et les engrais, pour ne pas hypothéquer les prochaines récoltes. L’enjeu à court terme est d’éviter des émeutes de la faim. Personne n’a oublié que la crise alimentaire de 2008 a contribué aux « printemps arabes ». Or, le choc actuel intervient dans un contexte encore plus fragile. Plusieurs pays sont déjà déstabilisés par des coups d’Etat ; la menace djihadiste s’étend dans le Sahel et touche désormais les régions septentrionales des pays côtiers ; des centaines de milliers de personnes fuient l’insécurité, dans un environnement de plus en plus hostile en raison du dérèglement climatique.

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