« Mes peurs sont revenues. Le ministère de la défense russe a annoncé la possibilité d’envoyer des missiles sur Kyiv »

Olga et Sasha sont deux sœurs ukrainiennes. La première a 34 ans et est caviste à Paris, où elle habite depuis sept ans. La seconde, âgée de 32 ans, vit à Kiev. Au début de la guerre, elle s’est installée, avec sa mère, son compagnon, Viktor, son chien et son amie Y., dans un immeuble ayant un parking ­souterrain. Après y avoir vécu les premières semaines et décidé de se séparer de Viktor, Sasha a déménagé dans un petit appartement, seule avec son chien, dans la même résidence que Y. Les deux sœurs ont accepté, depuis le début du conflit, de tenir leur journal de bord pour M. En France, Olga recense à travers les médias les atrocités commises par l’armée russe. À Kiev, les sirènes anti­aériennes continuent de perturber les nuits de Sasha, qui profite d’une légère accalmie pour mener, pendant la journée, un semblant de vie normale.

Mardi 12 avril

Olga : J’ai pris des billets pour Vienne, je vais aller voir I., mon amie d’enfance, qui est réfugiée là-bas avec ses deux enfants. Je suis très contente ! J’y vais pour la Pâques orthodoxe. Je pars le 23 au soir pour arriver le lendemain. Je fais le voyage en car, l’avion, c’était trop cher.

Sasha : J’ai eu des nouvelles d’amis qui ont leur maison à Boutcha. Elle n’est pas détruite, mais elle a été occupée par des russes [Sasha a fait le choix de ne pas mettre de majuscule à « russe » et « russie »]. Ils y sont allés, ont voulu entrer, mais, sur la porte, il y avait une note qui disait : « N’entrez pas, la maison est minée, attendez les démineurs. » Il y avait aussi un numéro de téléphone pour qu’ils puissent vérifier qui avait mis ce mot. Apparemment, c’est comme ça que ça se fait. Là, c’était leur voisin qui avait prévenu de ce danger les soldats ukrainiens quand ils sont entrés dans la ville. Depuis le début de la guerre, mes amis étaient restés chez leurs proches. Je n’ai pas réussi à parler à ma copine, elle ne peut pas répondre au téléphone car elle fait des crises de nerfs depuis tout ce qu’elle a vu à Boutcha. Et leur maison… Elle a peur de sa maison, des pièces qui peuvent être minées. Peur de tout.

Mercredi 13 avril

Olga : J’ai décidé de noter des extraits de tous les témoignages terrifiants que je lis. « Une fille de 14 ans a été violée par cinq soldats russes. Elle est enceinte maintenant. » J’ai envie de vomir. « Deux occupants russes ont violé une femme enceinte de 20 ans. Elle a perdu son bébé. » Je les hais. J’ai envie de les tuer. Il y a aussi cet enregistrement, capté par le SBU – les services de sécurité ukrainiens –, d’une conversation téléphonique entre un russe et sa femme : « Vas-y, viole les meufs ukrainiennes. Mais ne me raconte pas après pour que je ne sache pas. Et utilise une protection. » Cette femme donne donc à son mec la permission de violer. Mais qu’arrive-t-il à ce peuple ? Leur code génétique a-t-il été déformé ?

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