Reprendre ou non Kherson, seule ville passée sous contrôle russe : le dilemme du pouvoir ukrainien

Des manifestants ukrainiens scandent « Rentrez chez vous » en direction de véhicules militaires russes, à Kherson (Ukraine), le 20 mars 2022. Des manifestants ukrainiens scandent « Rentrez chez vous » en direction de véhicules militaires russes, à Kherson (Ukraine), le 20 mars 2022.

Après un barrage vite passé, les premiers kilomètres de l’autoroute M14, qui relie Mykolaïv, le verrou protégeant l’accès à Odessa, à Kherson, la seule ville ukrainienne passée sous contrôle russe, laissent peu de place au doute. Ce bout de territoire ukrainien soustrait par les soldats de Moscou à la souveraineté du pays n’est qu’à 70 kilomètres de Mykolaïv mais l’espace entre les deux cités constitue un monde en soi, à mi-chemin entre la ligne de front et le no man’s land. Les villages qui se trouvent là craignent à tout moment que le feu des armes s’abatte sur eux. Alors que les forces ukrainiennes de la région ont repoussé l’armée russe vers Kherson, la question de la reprise de la ville ne semble pourtant pas une évidence.

Tout d’abord, Kherson n’est pas totalement coupée du monde. Des gens en sortent, même si c’est en très faible nombre. Ils n’empruntent pas l’ex-voie rapide. Ils doivent trouver leur chemin par les petites routes, passant de village en village où ils tombent parfois sur les traces de combats. L’autoroute est trop exposée aux tirs et souvent bloquée par des défenses antichars. Selon Andrii Skorokhod, responsable de la Croix-Rouge à Mykolaïv, « vingt à trente personnes de Kherson, souvent à bord de voitures privées, arrivent ces temps-ci, chaque jour, dans nos locaux. Mais tous ceux qui quittent la ville ne viennent pas forcément chez nous ».

Désormais, il faut, en moyenne, compter dix-huit heures pour rejoindre Mykolaïv, selon l’ensemble des témoignages d’habitants de Kherson recueillis par la Croix-Rouge. « Les Russes multiplient les mesures vexatoires pour entretenir la peur, raconte Mikhail D., âgé de 26 ans, qui, lui, a fait le chemin dans le sens inverse, le 27 mars, avec deux autres personnes, pour rejoindre sa famille dans Kherson. Ils bloquent les gens puis les laissent partir. » Il existe une part de loterie. Les Russes jouent avec les nerfs des habitants qui veulent sortir en multipliant les contrôles très serrés aux barrages. « Ils fouillent les téléphones, détaille Mikhail, vérifient si des tatouages ne sont pas à la gloire de l’Ukraine et prennent le temps d’inspecter les réseaux sociaux pour voir si on est actif. »

Une incertitude qui agit comme un blocus

Selon lui, les Russes ont réussi à installer dans l’esprit des gens à Kherson « que réussir à sortir relevait de la chance et que des coups de feu pouvaient claquer à tout instant ». Une incertitude qui agit comme un blocus qui ne dit pas son nom. « On peut bouger autour de la ville, mais il est admis par tout le monde que c’est à nos risques et périls », confirme Mikhail. Une part d’inquiétude que les Russes se gardent bien de dissiper.

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